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Les modèles: la machine à voyager dans le temps des mathématiciens

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Les différentes discussions sur mes derniers articles concernant le réchauffement climatique m’amènent à aborder de manière un peu plus détaillée la notion de « modèle ». En traitant différents exemples – les lapins, le climat et la vaccination contre la grippe – j’aimerais ici faire prendre conscience de l’importance des modèles pour faire des choix rationnels dans notre société.
Les lapins

Saviez-vous que le lapin est l’ennemi numéro un en Australie? Introduit artificiellement à la fin du 19e siècle, les pouvoirs publics cherchent par tous les moyens à contenir leur explosion démographique. Mais comment évaluer l’efficacité d’une mesure? Pour cela, il faudrait disposer d’un outil permettant de prévoir l’évolution démographique de nos lapins: un modèle mathématique!

En ce qui concerne cet exemple, modéliser revient à trouver des équations mathématiques dont les solutions représenteraient l’évolution du nombre de lapins en Australie. Dans le jargon mathématique, on parle d’équation différentielle. Par exemple, on pourrait modéliser la croissance des lapins par une équation de la sorte: dx/dt=ax. Le terme de gauche représente la dérivée par rapport au temps du nombre de lapins symbolisé par « x » – concrètement « dx/dt » nous permet de connaître l’évolution future du nombre de lapins – la lettre « a » représente la vitesse à laquelle ces petites bêtes se reproduisent.

lkjfghroiurtymdlfkgUn tel modèle est évidemment très simpliste: les lapins ne peuvent que croître, de manière exponentielle pour être précis. On peut affiner un peu plus, par exemple en considérant l’introduction de prédateurs dans notre modèle. Cela pourrait s’écrire de la manière suivante: dx/dt=ax-bxy. Ici le produit « bxy » symbolise la probabilité qu’un lapin « x » rencontre le prédateur « y ». Plus « y » est grand, moins les lapins vont pouvoir se développer et inversement. Le mathématicien Volterra fut le premier à modéliser ce système de proie-prédateur et à en analyser les solutions. A partir de là, on recherche généralement un compromis entre complexité du modèle, c’est-à-dire son adéquation avec la réalité, et la difficulté de résolution (par ordinateur) du modèle obtenu.

Avec cet outil en main, une version améliorée d’un tel modèle permettrait de prévoir l’impact d’une mesure contre la propagation des lapins.

Le climat

Pour modéliser le climat, la principale difficulté réside dans les équations mises en jeux qui sont très complexes tout en étant bien connues des physiciens, comme par exemple les équations de Navier-Stokes qui décrivent le mouvement des fluides. Du fait de cette complexité, il n’y a généralement pas un modèle mais plusieurs modèles cherchant à reproduire le climat. Le graphique ci-dessous, extrait du dernier rapport du GIEC (AR5), montre l’évolution des différents modèles depuis les années 70. L’axe horizontal représente le temps 1, la hauteur des cylindres, en constante augmentation, symbolise le « rapprochement » des modèles avec un phénomène climatique donné.
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Comme on peut le constater, de plus en plus de phénomènes physiques sont considérés dans les modèles: l’atmosphère, les continents, les océans et la banquise, les aérosols, le cycle du carbone, les composés chimiques dans l’atmosphère et enfin la glace des continents. Mais ce n’est pas tout, pour mieux se rapprocher de la réalité, les modèles climatiques découpent la Terre en tranches (on parle alors de maillage), en éléments de volume pour être précis. Plus les volumes considérés sont petits et plus on peut modéliser de manière précise l’espace considéré sur la Terre (présence de glace, végétation, volcan, etc.). La précision est descendue à une trentaine de kilomètres d’après le dernier rapport du GIEC. Mais quid de l’efficacité de ces modèles?

L’AR5 consacre un chapitre entier sur l’analyse des modèles climatiques et de leurs limites. Les conclusions sont claires: les modèles climatiques utilisés aujourd’hui sont bien meilleurs que par le passé même si des problèmes subsistent. Analysons par exemple le graphique proposé dans ce rapport (ch. 9 p.61):

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Il faut se concentrer ici sur la courbe noire qui donne les variations de la température moyenne terrestre observée et celle en rouge qui correspond à la moyenne obtenue par différents modèles. Les traits en pointillés verticaux représentent les éruptions volcaniques majeures (qui contribuent à un refroidissement). Visuellement, la corrélation modèle/réalité est assez forte. Si on regarde un peu plus loin dans le rapport, nous trouvons cette analyse plus détaillée:kjhdsfjkioud Simplifions la compréhension de ces graphes qui ne sont pas faciles d’accès. Nous avons devant nous trois graphiques sur 3 périodes différentes: 1998-2012, 1985-1998 et 1951-2012. Sur chaque graphique, on trouve une courbe en rouge qui représente grosso modo les températures observées et une courbe noire qui symbolise les températures prédites 2. On peut constater visuellement que sur une longue période (courbe de droite) la concordance entre modèle et observation est plutôt bonne. Pour des périodes plus courtes, c’est plus difficile. Sur la période 1985-1998 (courbe du milieu) les modèles sous-estiment le réchauffement tandis que pour 1998-2012 (courbe de gauche), ils le surestiment.

Ce dernier graphe fait d’ailleurs exploser les soupapes de nos climato-sceptiques qui vocifèrent à tout-va contre les modèles. Les scientifiques, quant à eux, préfèrent analyser les raisons des défaillances observées (principalement sur de courtes périodes) et les rectifier. Les lecteurs qui voudraient aller plus loin peuvent lire le Chapitre 9, p. 26 de l’AR5 qui traite précisément de ce problème et propose plusieurs pistes pour comprendre cet écart: le rapport suggère notamment de limiter l’importance de l’effet de serre sur certains modèles et de mieux tenir compte de l’impact de la vapeur d’eau et de la formation des nuages (problème constant pour les modèles).

La vaccination contre la grippe

L’utilisation des modèles ne se cantonne évidemment pas au domaine climatique. Récemment, Marc Baguelin 3 a publié, dans l’excellente revue Plos Medicine, un article analysant l’impact d’une nouvelle stratégie de vaccination pour la grippe en utilisant un modèle « statistique ». Ses résultats montrent qu’en vaccinant seulement 50% des enfants de 5 à 16 ans, on peut réduire la mortalité et l’incidence de la grippe de presque 50% dans l’ensemble de la population (notamment grâce à l’immunité de groupe). En effet, le virus de la grippe tue de mille à deux milles personnes en France chaque année; c’est une maladie dangereuse, surtout pour les personnes fragilisées, qu’il ne faut pas confondre avec le rhume (le Phamarchien est là pour nous le rappeler avec son humour décapant!). Le modèle étudié permet ici d’anticiper les résultats d’une politique générale de santé et amène à plus de rationalité dans les prises de décisions politiques.

3v4rUvMb1qbeb0nCet article marque une belle avancée car la grippe est un virus difficile à modéliser. D’abord parce qu’il mute régulièrement; il faut donc synthétiser un nouveau vaccin chaque année en anticipant la forme que le virus aura pendant la prochaine saison. L’efficacité de ce vaccin est du coup assujettie à cette anticipation. Ensuite, pour analyser une politique de santé, il faut aussi modéliser des aspects sociologiques. Les enfants, par exemple, sont connus pour avoir beaucoup de contacts avec leur entourage, contrairement aux personnes âgées. Marc et ses collègues se sont donc basés sur 14 ans de données provenant de plusieurs sources différentes en Angleterre: des données de surveillance de la grippe fournis par les agences sanitaires mais aussi des données sociologiques.

L’efficacité du modèle, comme pour le climat, se fait en comparant les données épidémiologiques disponibles (sur les 14 années) avec les prédictions du modèle (Fig. 3 dans l’article):

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En abscisse, on retrouve les 14 années sur lesquelles se base l’étude. Trois différents types de virus sont reportés, les types H1N1, H3N2 et B. En ordonnée est reportée l’incidence en milliers, attention l’échelle est différente pour chacun des trois graphiques. Sur chaque graphique, la courbe rouge représente les résultats du modèle, les observations, toujours difficiles à évaluer dans le cas de la grippe, sont représentées par les points noirs (les barres grisées représentent les intervalles de confiance). La concordance entre les deux est frappante.

Enfin, si comme moi vous détestez les seringues, sachez qu’il existe un vaccin contre la grippe qui s’administre par voie nasale…Il ne semble malheureusement pas être commercialisé en France. Dernière chose, le vaccin homéopathique n’a aucune efficacité démontrée, ne vous laissez pas avoir par les marchands de sucres.

sham (FacebookTwitterGoogle+)

PS: Pour les poitevins, je serais au planB demain soir, à 20h, pour discuter des hoax sur internet, plus d’information sur ce lien.


 

Notes:

  1. Sur l’axe horizontal, « AR », dans les sigles signifie, « assessment report » et F, S, T symbolisent « first », « second », « third ». Ensuite on se contente des chiffres: AR4, AR5.
  2. Plus précisément, il s’agit de l’augmentation de la température moyenne de la Terre par décade.
  3. Marc est un ami proche que j’ai déjà cité sur ce blog et qui travaille à la Public Health England en Angleterre.

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